La signature du PTP par le Gouvernement conservateur sortant du Canada avait causé des remous et des prises de position politique de tous côtés. Le texte de l’accord étant désormais public, le gouvernement de M. Trudeau nouvellement élu prendra bientôt position quant à la ratification de l’accord. Bien que le traité Trans pacifique fasse surtout l’objet d’études quant aux conséquences sur les producteurs agricoles canadiens et la propriété intellectuelle, un autre élément d’intérêt du traité est le mécanisme d’arbitrage investisseur État. En effet, les mécanismes d’arbitrage investisseur État, comme la majorité des mesures en commerce international, ne font pas l’unanimité. Le cœur de ce débat est centré principalement sur la protection adéquate des investisseurs et la protection des pouvoirs souverains des États. En effet, la pertinence de l’arbitrage dans le cadre de relations d’États développés est souvent remise en question, les États membres ayant des juridictions civiles neutres, indépendantes et impartiales. Ces débats ont intéressé de nombreux auteurs dont, J. Waincymer, Investor-State Arbitration : Finding the Elusive Balance Between Investor Protection and State Police Powers, International Trade and Business and Law Review, XVII, 2014 et Armand de Mestral, Investor-State Arbitration Between Developed Democratic Countries, Centre for International Governance Innovation, Septembre 2015. Nous tenterons dans le cadre de cette réflexion, de voir si le mécanisme d’arbitrage tel que prévu dans le cadre du PTP, a apporté des réponses nouvelles à la contestation de l’arbitrage investisseur État.
Particularités du Traité Trans pacifique
Le Bureau du représentant américain au commerce avait annoncé, lors des négociations, que le PTP offrait une occasion de mettre en place un système amélioré du mécanisme de règlement des différends investisseur État. Citant le risque de contestation de lois valides par des entreprises, le Bureau du représentant américain affirmait que la section du PTP serait renforcée par des protections importantes et détaillées afin de respecter la souveraineté des États dans leurs objectifs de régulation du bien-être public, notamment en ce qui concerne l’environnement et la santé. Le Bureau du représentant américain a laissé envisager que le texte final serait détaillé et prévoirait des exclusions précises. Parmi les protections que le Bureau du représentant américain promettait pour le PTP, on retrouvait, entre autres, la publication et l’accès aux décisions par le public, l’acceptation des soumissions d’amicus curiae, l’instauration de limitations aux droits à des demandes parallèles et la possibilité pour chaque État de contester une sentence (Office of the United States Trade Representative, Executive Office of the President, Investor-State Dispute Settlement, Fact Sheet, Mars 2015)
Le texte complet du traité Trans pacifique a confirmé ce qui avait été annoncé avant sa publication, à savoir le recours à un mécanisme de règlement des différends investisseur État dans la section réservée à l’investissement (section 9). Le résumé du texte complet fait par le Gouvernement américain présente les éléments essentiels de ce chapitre.
Les obligations centrales demeurent similaires aux ententes préexistantes. Elles prévoient par exemple, la norme de traitement national et la norme minimale de traitement. Les parties ont convenu de deux listes d’exclusions de l’application du mécanisme d’arbitrage en investissement. Le traité met de l’avant un processus neutre d’arbitrage international, selon ce qui était attendu en prévoyant, entres autres, la transparence, la publication des décisions, l’acceptation de participation d’amicus curiae et d’États non parties à la dispute ainsi que des prescriptions.
De nouvelles mesures ont aussi été introduites dans cette section sur le mécanisme de règlement des différends investisseur État. D’abord, le traité reconnaît la problématique des mesures discriminatoires favorisant les entreprises publiques et impose des obligations afin de résoudre les difficultés qui en résultent. De plus, l’accord reconnaît que les États peuvent prendre des mesures environnementales, de santé, de sécurité et de stabilité économique. Il explicite le fait que le fardeau de la preuve est au demandeur, les « expectatives » n’étant pas reconnues comme une preuve de la violation de la norme minimale de traitement. Le texte clarifie aussi les notions de non-discrimination et de la norme minimale de traitement.
Il faut espérer que cette entente contribuera à avaliser les mécanismes d’arbitrage dans les accords à venir, maintenant ainsi la tendance vers les recours hors des institutions étatiques. L’arbitrage international permet une justice neutre et impartiale, en plus de favoriser le respect des sentences prises par les tribunaux d’arbitrage. Ce nouvel accord s’inscrit dans une tendance positive à recourir aux mécanismes d’arbitrage investisseur État. En effet, cet accord de nouvelle génération reprend ce qui est déjà présent dans plusieurs accords, tout en proposant de nouvelles obligations et protections afin de favoriser l’arbitrage et le commerce multilatéral en général.
À notre avis, c’est au niveau international que devrait se développer un système d’arbitrage investisseur État efficace et conforme au droit international. Il faut préconiser une approche unifiée par rapport à l’arbitrage investisseur État par la mise en place de chapitres similaires ou même identiques dans les accords commerciaux régionaux. Le PTP est l’accord qui pourrait marquer un pas vers un corpus de règles uniformes en matière d’arbitrage, puisqu’il met de l’avant un chapitre rassemblant les obligations centrales du commerce international en y ajoutant des dispositions nouvelles et favorisées par les États membres. L’application d’un système unifié à travers divers accords faciliterait le processus d’arbitrage en sauvant de l’argent et du temps aux parties. Il serait avantageux pour les États membres à des ACR’s de favoriser des chapitres d’arbitrage cohérents et rassembleurs afin de créer un régime simplifié, prévisible et efficace.
Par Julia Heron, étudiante au Baccalauréat en droit
Ce contenu a été mis à jour le 26 octobre 2016 à 1 h 57 min.
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